AVIGNON
Au restaurant Le Molière, Valérie revisite l'aïoli et le bœuf bourguignon
« C’est la bonne nourriture et non les belles paroles qui me fait vivre ». Valérie, la patronne du restaurant Le Molière à Avignon, aurait pu faire sienne cette citation – pas la plus connue – du célèbre dramaturge sans doute plus épris de mots que de mets ! Mais il n'en est rien car pour cette Bourguignonne installée en Provence, c'est plutôt le contraire qui s'impose au vu de son parcours.
Quoi qu'il en soit, cette citation en forme de clin d’œil nous permet d'aller à la rencontre de la cheffe de cuisine de ce petit restaurant que les habitués de la place des Corps-Saints ou les amateurs de bonne chère connaissent bien dans la Cité des Papes. Profitant d’un répit au cœur même du célèbre Festival, un petit questionnaire gourmand s’imposait.
De Dijon à Avignon
Valérie, en amuse-bouche, on vous propose une petite question traditionnelle : le récit de votre parcours.
Et bien tout d’abord, je suis dijonnaise d’origine et fière de l’être ! J’y ai fait toutes mes études d’hôtellerie et de restauration. Ensuite, je me suis lancée en ouvrant un hôtel-restaurant-bar près de Dijon que j’ai tenu pendant dix ans. Mais comme beaucoup de gens, il y avait une chose qui me manquait : le soleil ! Marre du brouillard… Et début 2010, j’ai pris une décision : ma famille habitant Lyon et ne voulant pas être trop loin de la mer, j’ai pensé qu’Avignon était un bon compromis et je ne le regrette pas !
Poursuivons avec l’entrée : qu'est-ce qui vous a amené à installer votre restaurant ici, dans la cité des papes ?
Alors, du coup, le hasard complet ! Je cherchais à acheter quelque chose pas trop cher et un soir je suis venue pour visiter l’endroit. Quand je suis arrivée sur cette place des Corps-Saints et que je me suis retrouvée face au cloître des Célestins, ça a été pour moi un vrai coup de foudre… Même si j’ai appris par la suite que c'était une place qui n’avait pas forcément très bonne réputation ! Je me suis dit : bah, malgré tout, cette place elle est juste magique et surtout le soir quand elle est éclairée. Mon choix était fait. Voilà comment je me suis retrouvée à Avignon.
Et pourquoi l’avoir appelé le Molière ?
A l’époque, ça s'appelait le Mistigri. C'était plutôt un bar à tartes. Le précédent propriétaire n’est resté je crois que 8 mois… ça l’a vite saoulé. Mais il y avait les stores avec L M inscrit en gros dessus. Nous, on n’avait pas forcément trop de moyens pour les changer. Donc on s'est dit qu’il fallait trouver quelque chose qui colle avec L M ! Et en réfléchissant, en l'espace d'une semaine, on s'est dit : mais c’est bien sûr ! Molière ! Avignon ! Le théâtre ! Ca allait de soi. Et on pouvait garder les stores ! Et au final, il n’y a pas mieux.
En plat principal, nous ce qu'on aime bien, entre autres, c'est votre petite carte, pour nous un gage de qualité
Je préfère travailler peu et avec des produits frais et faits maison plutôt qu’avoir des cartes à rallonge… En plus, j’ai une fâcheuse tendance à toujours vouloir revisiter les choses. Je n'aime pas les plats classiques. Même chose pour les desserts. Le tiramisu classique je ne sais pas faire.
Avec mon conjoint, nous sortons beaucoup et nous observons. Tiens ça, ça a l’air pas mal… Il y a aussi les magazines et Internet. C’est tout un travail d'équipe où chacun va donner son truc ! Nous allons tous à un moment donné nous réunir pour échanger, même les apprentis.
Pour élaborer la nouvelle carte (on la change tous les mois), chacun va apporter ses idées. Après, elles sont plus ou moins bonnes et surtout elles sont plus ou moins de saison. Quand les jeunes à 15 ans, qui n’ont pas l'habitude, vont me demander un clafoutis aux cerises au mois de décembre, je vais leur expliquer que c'est très compliqué de trouver des cerises en hiver ou alors il faut en acheter à prix d’or et en plus elles viennent d’où ces cerises ? Je leur explique que chaque fruit, chaque légume à sa saison et qu’il faut savoir s'adapter. C’est primordial.
Des fournisseurs particuliers ?
Je travaille pas mal avec un primeur sur Châteaurenard. Et comme j'habite sur Tavel, j'ai des petits commerçants auprès desquels je me fournis parce que je les connais. Même chose pour les vins avec la cave de Tavel bien sûr.
Et puis il y a mon mari qui me sert beaucoup ! Tous les weekends, il aime bien aller faire le marché ; il va me dire : Ah tiens je t'ai ramené ça… Bon, ce n'était pas forcément prévu mais je vais l’intégrer à un plat la semaine suivante…
Et les plats bourguignons dans tout ça ?
Ah au début ça a été un peu difficile ! Il a fallut s’adapter à la cuisine provençale. Nous travaillons beaucoup avec les touristes et ce qu’ils viennent chercher à Avignon, c’est la cuisine du Sud. Je leur en donne mais, à ma façon. L’aïoli par exemple, je l’ai intégré à une cassolette de ravioles. Quant à la ratatouille, cuite au four, elle vient accompagner un croustillant de poulet.
Par contre hors-saison, je propose toujours des petits plats bourguignons, comme les œufs meurettes par exemple qui ont beaucoup de succès, ou encore le coq au vin, le tout revisité comme d’habitude !
Propos recueillis par Philippe PRIMARD